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Le cercle vicieux
23 mars 2017

Islam et modernité

Dans son dernier ouvrage The Islamic Enlightment, le journaliste et historien britannique Christopher de Bellaigue développe l'idée, à travers un certain nombre de figures historiques (le sultan ottoman Mahmud II, le cheikh égyptien Abdulrahman al-Jabarti, le prince iranien Abbas Mirza, etc.), selon laquelle la rencontre entre islam et modernité au cours du XIXème siècle n'a pas ébranlé les fondements de la foi musulmane, comme certains peuvent le croire. Dans quelle mesure cette thèse peut-elle mettre à mal l'idée d'un "choc des civilisations" largement alimentée depuis plusieurs années, aussi bien en Occident que dans les pays arabo-musulmans ? Malik Bezouh : Il est vrai que la rencontre, au XIXe siècle, entre la modernité occidentale et l’Orient musulman, dans ses dimensions arabes et perses, n’a pas provoqué un "ébranlement" du dogme musulman dans ses fondements essentiels. En revanche, un processus naturel d’interactions et d’échanges, sur les plans économiques et culturels, a conduit le monde musulman à s’interroger sur ses propres lacunes et retards tant scientifiques que technologiques. A ce titre, on peut citer l’exemple emblématique du grand penseur musulman Jamal al-Din al-Afghani répondant savamment à certaines critiques émises par le philosophe Ernest Renan qui, en mars 1883, tint une conférence, au ton pour le moins critique, sur les "sciences et l’islam" et "les rapports entre les sciences et la religion musulmane". Il est bien d’autres exemples qu’il serait par trop fastidieux d’énumérer. Al Afghani et bien d’autres penseurs musulmans, prenant acte du retard accusé par l’Orient musulman, décidèrent d’enrayer ce processus de décadence civilisationnelle en proposant une théologie du réformisme et du renouveau dans l’espoir de sauver le monde musulman arrivé à un degré de consomption des plus inquiétant. Quant au prétendu "choc des civilisations", il révèle plutôt une inquiétude propre à l’Occident qui, il faut bien le reconnaitre, a donné naissance à ce concept fondé sur la peur de l’altérité musulmane. Une peur ancienne qui a refait surface récemment à la faveur des attentats terroristes perpétrés par l'Etat islamique, un groupe éminemment takfiriste et, partant, hostile aux masses musulmanes qui, rappelons-le, sont les premières victimes de cette atroce organisation aussi terroriste que jusqu’au-boutiste. De façon plus générale, les rapports entre l’Occident, jadis chrétien, et l’Orient musulman ont toujours été denses. La rivalité religieuse, exacerbée au Moyen-âge, n’a nullement empêché Charlemagne d’entretenir des relations avec le Calife Haroun al-Rachid. Le "choc des civilisations", s’il a existé, a eu lieu durant les Croisades. Depuis, la sécularisation a fait son œuvre, y compris en Orient mais sous des formes bien différentes et non encore abouties. C’est en cours si l’on peut dire.

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