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Le cercle vicieux
8 juin 2017

Hulot et le nucléaire

Après les reports en tous genres qui ont marqué le quinquennat de François Hollande dans le désengagement français du nucléaire, le choix du nouveau président de proposer à Nicolas Hulot le ministère de la transition écologique et solidaire, avec le titre de ministre d’État, laisse supposer que le temps du passage à l’acte est arrivé. Ainsi Emmanuel Macron, qui n’a pas vraiment donné de gages aux écologistes pendant sa campagne, compterait-il sur son nouveau ministre pour tenir des promesses largement médiatisées mais non tenues par son prédécesseur. Va-t-on assister pour autant à un changement de pied brutal de la politique du gouvernement? Pas sûr. D’abord, le chef de l’État et son premier ministre Edouard Philippe ne sont pas des adversaires acharnés du nucléaire, au contraire. Au nom de la sauvegarde d’une filière française internationalement reconnue, ils restent engagés par le choix historique de la France d’améliorer son indépendance énergétique en développant le nucléaire civil ; cette politique a permis au pays de réduire sa dépendance de 75% dans les années 70 à 45% aujourd’hui. Même si Nicolas Hulot veut pousser les feux des énergies renouvelables et si cette ambition reçoit le soutien du chef de l’État, il va devoir malgré tout inscrire son action dans une politique globale du gouvernement… sauf à remettre en question sa participation. Ensuite, l’écologiste préféré des Français a déjà indiqué que les fermetures de réacteurs seront décidées «sur la base de critères sociaux et de sécurité» et pas en fonction de positions dogmatiques. Certes, «à terme, le nucléaire ne fera pas partie de la solution», a-t-il réaffirmé pour évacuer tout quiproquo sur sa volonté d’engager la sortie du nucléaire. Une façon de répondre aux tenants de l’atome qui y voient, eux, une solution contre les émissions de gaz à effet de serre. Mais si Nicolas Hulot se déclare partisan à long terme d’une sortie définitive de l’atome civil, il se cale sur l’objectif d’une réduction du nucléaire de 75% actuellement à 50% en 2025 dans le bouquet énergétique, objectif fixé par la loi de transition énergétique portée par Ségolène Royal et adoptée en août 2015. Rien de nouveau à ce stade sauf que… tout reste à faire en matière de nucléaire. La fermeture de la centrale de Fessenheim avec ses deux réacteurs, initialement projetée pour la fin 2016 par François Hollande, a été repoussée. De la même façon, la programmation pluriannuelle de l’énergie est sortie en avril 2016 malgré l’absence de son volet nucléaire, privant les acteurs du secteur d’une feuille de route sur laquelle se caler. Il faut croire que les freins furent nombreux et efficaces du côté des industriels de l’atome. Certes en 2016, la part des énergies renouvelables a progressé à près de 20% dans le bouquet énergétique selon le bilan établi par RTE, alors que l’électricité d’origine nucléaire a représenté 72% de la production totale, soit près de cinq points de moins qu’en 2015. Mais ce recul est, pour l’instant, conjoncturel. Il s’explique «par l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires en raison de contrôles demandés par l’Autorité de sûreté nucléaire à partir du mois de novembre», commente RTE. Il faudra aller beaucoup plus loin pour manifester un réel désengagement du nucléaire, tout en restant dans le cadre de l’accord de Paris sur le réchauffement climatique signé à la COP21. Nicolas Hulot va donc devoir donner de la consistance à un cadre légal demeuré, pour l’instant, dans l’abstraction sur le volet nucléaire. Or, même si personne n’envisage à moyen terme de désengagement total, l’objectif de la loi de transition énergétique semble déjà fort compliqué à atteindre. Ce qui explique que le nouveau ministre apparaisse très pragmatique sur ce dossier à sa prise de fonction. Dans un pays qui puise les trois quarts de son électricité dans la production de ses 58 réacteurs nucléaires, la réduction de la part de l’atome à seulement la moitié du bouquet énergétique implique la fermeture de 17 à 20 réacteurs… en seulement huit ans, à compter d’aujourd’hui, pour tenir l’objectif de la loi de transition. L’effort, souligné par la Cour des comptes, est gigantesque. La promesse faite en 2012 par François Hollande aux électeurs écologistes de fermer la plus vieille centrale nucléaire française n’a pu être tenue en cinq ans. Peut-on imaginer aujourd’hui réussir à stopper la production d’une vingtaine de ces réacteurs en guère plus de temps, sans créer sur le territoire des risques graves de ruptures d’approvisionnement préjudiciables pour l’ensemble de l’économie et pour la sécurité des personnes?

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